Qu'est-ce que le régime du report d'imposition selon BOFIP ?
Le report d'imposition, c'est cette astuce légale qui vous permet de mettre en pause l'impôt sur la plus-value générée lors d'un apport de titres à une société. Le BOFIP (ce bulletin officiel qui fait la loi en fiscalité) précise toutes les règles du jeu.
Définition et objectif du régime du report d'imposition
Le dispositif est en réalité un deal gagnant-gagnant entre l'État et vous :
- Vous différez l'impôt sur votre plus-value,
- En échange, vous réinjectez l'argent dans l'économie.
C'est inscrit noir sur blanc dans l'article 150-0 B ter du CGI. L'administration fiscale n'invente rien : cette mesure vise à stimuler l'investissement et la croissance des entreprises.
Le principe est simple :
1. Vous apportez vos titres à une holding,
2. Vous ne payez pas (tout de suite) l'impôt sur la plus-value,
3. La plus-value reste "en attente" jusqu'à un événement déclencheur.
Les conditions d'application et bénéficiaires
Les conditions sont très strictes :
- Être une personne physique,
- Apporter des valeurs mobilières ou droits sociaux définis par l'article 150-0 A,
- Réaliser l'opération en France ou dans un pays "friendly" fiscalement (UE ou convention fiscale).
Point important : vous devez impérativement contrôler la société bénéficiaire après l'apport. Sans contrôle, pas de report !
Les modalités du report d'imposition pour un apport de titres
La nature de l'opération d'apport et conditions
L'opération doit avoir une vraie substance économique.
Pour que ça fonctionne, voici les points indispensables :
- Les titres apportés doivent être mentionnés à l'article 150-0 A du CGI,
- L'apport doit être réalisé au profit d'une société soumise à l'IS (ou équivalent),
- Vous devez rester aux manettes de la société qui reçoit vos titres.
Non éligibles : les apports à des SICAV ou des sociétés prépondérant immobilières non cotées.
Les règles de plus-values et imposition
La plus-value n'est pas annulée, juste mise sur pause. C'est important de le comprendre !
Le calcul reste classique :
Plus-value = Prix de cession - Prix d'acquisition
Mais contrairement au régime normal, vous n'inscrivez pas cette somme dans votre déclaration de revenus. Elle reste "gelée" jusqu'à un événement futur (on y reviendra).
Attention toutefois : le report est automatique. Pas besoin de case à cocher, mais des obligations déclaratives existent quand même !
Le rôle de la société bénéficiaire et les critères de contrôle
Votre holding (la société qui reçoit les titres) a un rôle central. Elle est un peu "sous surveillance" !
Elle doit respecter deux engagements majeurs :
- Conserver les titres pendant au moins 3 ans,
- OU réinvestir 60% du produit de cession dans les 2 ans si elle les vend avant.
Concernant le contrôle, la définition est précise :
- Vous devez détenir directement ou indirectement la majorité des droits de vote,
- Ou bénéficier de la majorité des avantages économiques.
Ce contrôle peut s'exercer seul ou avec votre famille. Pratique pour les entreprises familiales !
Le tableau ci-dessous résume les différentes possibilités de contrôle :
Le réinvestissement économique : pourquoi et comment ?
Quand vous réalisez une plus-value suite à un apport de titres, vous avez une opportunité puissante entre les mains : le report d’imposition. Mais pour en profiter pleinement, il ne suffit pas d’apporter, d’attendre… et d’encaisser. Il faut réinvestir. Et pas n’importe comment.
Pourquoi le réinvestissement est stratégique ?
Après un apport de titres à une holding, le report d’imposition est maintenu à condition de respecter certaines règles.
La plus importante ?
Réinjecter au moins 60 % de la valeur des titres apportés dans une activité économique.
Mais ce n’est pas juste une contrainte fiscale. C’est aussi :
- Un moyen de continuer à faire fructifier votre capital,
- Une preuve que votre holding n’est pas qu’une "coquille vide",
- Une stratégie intelligente pour allier optimisation fiscale et création de valeur réelle.
Pas de réinvestissement = fin du report.
Dans ce cas l'impôt est débloqué, il faut donc anticiper !
Quels sont les délais et conditions à respecter ?
Tout se joue sur un timing précis :
- Vous avez 2 ans maximum pour réaliser le réinvestissement,
- Le réinvestissement doit concerner une activité éligible (commerciale, artisanale, industrielle, libérale, agricole…),
- Il doit être réel et direct (exit les montages douteux ou les placements passifs),
- Vous devez conserver les parts reçues pendant au moins 3 ans.
Attention ! Investir dans un bien immobilier locatif, une assurance-vie ou un ETF, ça ne fonctionne pas ici. L'adminstration fisacale attend un vrai engagement entrepreneurial, pas un placement financier.
Ce que dit la jurisprudence (et pourquoi c’est important)
Les tribunaux ont eu à trancher plusieurs cas de réinvestissement flous ou contestés. Ce qu’on en retient :
- Des apports suivis d’investissements trop lointains ou flous ont entraîné la remise en cause du report,
- À l’inverse, des réinvestissements bien documentés, orientés vers une vraie activité économique, ont été validés par l’administration et le juge.
Traduction concrète :
- Gardez une traçabilité de vos flux d’investissement,
- Anticipez, structurez, documentez.
En bref : le réinvestissement, c’est pas juste une formalité. C’est la clé de voûte de votre stratégie post-apport. Vous jouez une carte fiscale, financière et entrepreneuriale à la fois.

Les événements affectant le report d'imposition
Cession, rachat, remboursement des titres
Votre report expire quand :
- Vous vendez les titres reçus en échange de votre apport,
- Ces titres font l'objet d'un rachat par la société émettrice,
- Vos titres sont remboursés ou annulés.
Petit détail technique mais important : si la société bénéficiaire vend les titres que vous lui avez apportés avant le délai de 3 ans et ne réinvestit pas 60% dans les 2 ans, votre report tombe aussi. Double vigilance nécessaire !
Le transfert de domicile fiscal hors de France
Exit tax, vous connaissez ?
Si vous décidez de quitter la France fiscalement, le report d'imposition est immédiatement remis en cause. La plus-value devient imposable.
Certains accords existent avec des pays spécifiques (notamment dans l'UE), mais c'est un sujet complexe qui mérite une attention particulière.
Les obligations déclaratives et risques en cas de manquement
Vous devez déclarer chaque année l'existence de la plus-value en report sur le formulaire 2042. Si le report expire, utilisez le formulaire 2074-I.
Les sanctions en cas d'oubli peuvent être sévères :
- Intérêts de retard,
- Majorations pouvant aller jusqu'à 40% en cas de manquement délibéré,
- Potentiellement, qualification d'abus de droit dans les cas extrêmes.
Pensez à conserver toutes les preuves de respect des conditions (statuts, actes, justificatifs de réinvestissement). En cas de contrôle fiscal, elles seront votre bouée de sauvetage !
Cas particuliers et événements déclencheurs de l'expiration du report
Certaines situations méritent une attention particulière. Décryptons-les ensemble.
Sort des plus-values anciennes placées sous report
Vous avez des plus-values en report depuis longtemps ? Les plus-values anciennes (avant 2013) placées sous d'autres régimes de report peuvent basculer sous le régime 150-0 B ter lors d'un nouvel apport. Mais attention, elles gardent leur "historique" fiscal.
Les événements entraînant l'expiration du report d'imposition
D'autres événements peuvent faire expirer le report :
- Décès ? Non ! Le report se transmet à vos héritiers.
- Donation ? La donation des titres reçus en contrepartie de l'apport entraîne une purge de la plus-value en report. C'est une vraie stratégie d'optimisation fiscale.
- Fusion ou scission de la société bénéficiaire ? Le report est maintenu si l'opération est réalisée à la valeur comptable.
Les conséquences des opérations ultérieures sur le report
Les opérations en cascade peuvent être vertigineuses. Un exemple concret ?
Si vous apportez des titres A à une société B, puis que B apporte ces titres à une société C, puis que C les vend... on s'y perd !
Le BOFIP clarifie : chaque société intermédiaire doit respecter ses propres obligations de réinvestissement. Un seul maillon faible, et c'est toute la chaîne qui peut s'effondrer.
Pour les pro des montages complexes, voici un cas d'école :
1. Vous apportez vos titres X à la société Y,
2. La société Y apporte ces titres à Z,
3. Z vend les titres apportés.
Dans ce cas, Z doit réinvestir 60% dans les 2 ans, sinon votre report tombe.

Les obligations des parties impliquées dans un apport-cession
Un apport-cession, c'est comme un contrat de mariage : des droits, mais surtout des obligations !
Les obligations du contribuable
Vous, l'apporteur, avez une check-list à respecter :
- Maintenir le contrôle de la société bénéficiaire pendant toute la durée du report,
- Déclarer annuellement l'existence de la plus-value en report,
- Signaler tout événement affectant le report,
- Conserver tous les justificatifs (au moins 6 ans).
Sans oublier la vigilance permanente sur les actions de la société bénéficiaire. En effet, s'il y a un soucis avec cette dernière, c'est vous qui payez l'addition fiscale !
Les rôles et obligations des sociétés
La société bénéficiaire n'est pas en reste.
Elle doit :
- Conserver les titres apportés pendant 3 ans OU réinvestir en cas de cession anticipée,
- Documenter précisément ses investissements,
- Formaliser son engagement de conservation ou de réinvestissement (idéalement dans ses statuts).
Si des sociétés intermédiaires sont impliquées, chacune a ses propres obligations.
Les obligations en cas de donation
La donation, parlons-en ! C'est parfois LA solution pour purger définitivement la plus-value.
Mais attention, pas n'importe comment :
- La donation doit être sincère et réelle,
- Elle doit porter sur la pleine propriété des titres (une donation en nue-propriété seulement ne fonctionne pas toujours),
- Elle doit être formalisée par acte notarié ou au minimum enregistrée.
Et les donataires doivent être informés de l'historique fiscal des titres. On ne se débarrasse pas d'une bombe fiscale sans prévenir ceux à qui on la confie !
Finalement, ce qu'il faut retenir :
- Le report d'imposition est automatique mais conditionnel,
- Le réinvestissement est la clé de voûte du dispositif (60% dans les 2 ans),
- La conservation du contrôle est essentielle,
- Les obligations déclaratives ne doivent jamais être négligées.
Pour éviter les mauvaises surprises :
1. Documentez tout,
2. Anticipez les événements futurs,
3. Faites-vous accompagner par un expert.
Le dispositif du 150-0 B ter évolue régulièrement. La dernière évolution majeure (passage de 50% à 60% pour le réinvestissement) date de 2019. Restez à l'affût des prochaines évolutions législatives !
L'apport-cession reste l'un des outils fiscaux les plus puissants pour les entrepreneurs souhaitant transmettre ou monétiser leur entreprise. Utilisez-le judicieusement !