Les éléments essentiels de la cession d'une société
Avant même de parler fiscalité, comprendre ce que vous vendez exactement est fondamental. Une cession d'entreprise, c'est rarement un bloc monolithique.
Identifier les éléments à céder
Qu'allez-vous réellement vendre ? La question paraît simple, mais la réponse rarement. Dans la pratique, plusieurs éléments peuvent être concernés :
- Les titres sociaux (parts ou actions),
- Le fonds de commerce (clientèle, matériel, bail commercial...),
- Les actifs immobiliers (locaux professionnels),
- La propriété intellectuelle (brevets, marques, logiciels...).
Chaque élément obéit à un régime fiscal spécifique. Par exemple, la cession de titres d'une SARL soumise à l'IS sera taxée différemment d'un fonds de commerce d'un entrepreneur individuel.
La structure juridique influence directement la fiscalité applicable. Un vendeur d'une entreprise individuelle ne sera pas taxé de la même façon que l'associé d'une société à l'IS cédant ses titres.
Informer les salariés et respecter le droit de préemption
Vous ne pouvez pas vendre votre entreprise sans respecter certaines obligations légales. La loi Hamon impose d'informer les salariés au minimum 2 mois avant la cession dans les entreprises de moins de 250 salariés.
Ce droit à l'information vise à permettre aux employés de formuler une offre de rachat s'ils le souhaitent. Pas une simple formalité : son non-respect peut entraîner une amende pouvant atteindre 2% du montant de la vente !
Plusieurs exceptions existent cependant, notamment en cas de succession, liquidation ou cession à un proche parent.

L’enregistrement et les formalités de la cession
La vente est conclue ? Place aux démarches administratives ! Elles sont nombreuses et... incontournables.
Rédiger et enregistrer l'acte de cession
L'acte de cession officialise le transfert de propriété. Ce document juridique peut prendre la forme d'un acte sous seing privé (rédigé par les parties) ou d'un acte authentique (établi par un notaire).
Pour les cessions de fonds de commerce, l'acte authentique est obligatoire si des biens immobiliers sont inclus. Pour les parts sociales, l'acte sous seing privé suffit généralement, mais doit être enregistré auprès du service des impôts dans le mois suivant la signature.
Les frais d'enregistrement ? Ils varient selon l'objet de la transaction :
Formalités de publicité et déclarations fiscales
La cession doit être rendue publique, c'est la loi ! Cette publicité protège les créanciers et officialise le changement de propriétaire.
Pour un fonds de commerce, vous devrez :
1. Publier un avis dans un journal d'annonces légales,
2. Effectuer une publication au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales),
3. Informer l'administration fiscale via des formulaires spécifiques.
Sans oublier la déclaration de plus-value professionnelle ou de cession de valeurs mobilières à joindre à votre déclaration annuelle de revenus l'année suivant la vente.
Attention aux délais ! La publication doit intervenir dans les 15 jours suivant la vente et l'enregistrement dans le mois.
La fiscalité et l'imposition des cessions d'entreprises
Voilà le cœur du sujet ! La fiscalité des cessions varie considérablement selon votre statut et la nature des biens cédés.
Les types de sociétés et leur imposition (IR vs IS)
Le régime fiscal de votre entreprise détermine l'imposition de sa cession. La distinction fondamentale ? Impôt sur le Revenu (IR) vs Impôt sur les Sociétés (IS).
Pour les entreprises à l'IR (entreprises individuelles, EURL, SNC, SARL de famille...), la plus-value est imposée directement dans les mains du cédant. Elle est considérée comme une plus-value professionnelle.
Pour les sociétés à l'IS (SA, SAS, SARL classique...), on distingue deux niveaux :
- Au niveau de la société : imposition des plus-values sur actifs à l'IS (25% en 2025),
- Au niveau des associés : imposition de la plus-value de cession des titres au PFU (30%) ou au barème progressif de l'IR.
Le tableau devient encore plus complexe avec les dernières réformes fiscales. Pour les grosses transactions, une contribution exceptionnelle de 12% s'ajoute désormais à l'IS pour les sociétés réalisant plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires.
L’imposition des plus-values
La plus-value, c'est la différence entre le prix de vente et la valeur d'acquisition. Simple en théorie, mais dans la pratique c'est un peu différent.
Le cas des micros-entrepreneurs
Si vous êtes micro-entrepreneur, la cession de votre entreprise sera généralement traitée comme la vente d'un fonds de commerce.
La plus-value sera calculée en déduisant du prix de vente :
- Le prix d'acquisition des éléments vendus,
- Les frais d'acquisition,
- Éventuellement un abattement pour durée de détention.
Bon à savoir : les micro-entrepreneurs bénéficient souvent du régime des petites entreprises permettant l'exonération totale des plus-values sous certaines conditions (recettes inférieures à 250 000€ pour les activités commerciales ou 90 000€ pour les prestations de services).
Le cas des SARL et autres structures
Pour les sociétés soumises à l'IS, la vente des titres par les associés suit un régime distinct :
- Imposition au PFU (Prélèvement Forfaitaire Unique) de 30% (12,8% d'impôt + 17,2% de prélèvements sociaux),
- OU option pour le barème progressif de l'IR (avec abattement pour durée de détention).
Depuis 2025, attention aux nouvelles taxes sur les réductions de capital : une taxe de 8% s'applique désormais sur certaines opérations de rachat-annulation d'actions postérieures au 1er mars 2025.

L’exonération des plus-values : comment et pour qui ?
Bonne nouvelle : de nombreux dispositifs permettent d'échapper partiellement ou totalement à l'imposition des plus-values. Ces exonérations sont souvent méconnues, c'est dommage !
Exonération en fonction du montant des recettes
Vous dirigez une petite structure ? Vous pourriez être totalement exonéré d'impôt sur la plus-value.
Ce régime d'exonération totale s'applique si :
- Votre activité a duré au moins 5 ans,
- Les recettes n'excèdent pas certains seuils (250 000€ pour les activités commerciales, 90 000€ pour les prestations de services et professions libérales).
Entre ces seuils et le double (500 000€ ou 180 000€), une exonération partielle dégressive s'applique.
Ce dispositif est particulièrement avantageux pour les artisans, commerçants et petites entreprises individuelles.
Exonération liée au prix de cession
Autre critère d'exonération : la valeur de votre entreprise. Si le prix de cession est inférieur à 500 000€, vous pouvez bénéficier d'une exonération totale sous conditions :
- Activité exercée depuis au moins 5 ans,
- L'entreprise est une PME au sens communautaire.
Un dirigeant proche de la retraite ? L'article 151 septies A du CGI prévoit une exonération totale si vous partez à la retraite dans les 24 mois suivant la cession.
Les abattements pour durée de détention
Plus vous avez conservé votre entreprise longtemps, moins vous serez taxé. C'est la logique des abattements pour durée de détention.
Pour les titres acquis avant 2018, le régime reste favorable :
Pour les titres acquis après 2018, le PFU à 30% s'applique par défaut, mais vous pouvez opter pour le barème progressif avec un abattement fixe de 500 000€ pour les dirigeants partant à la retraite.
L’optimisation fiscale : comment réduire l'imposition ?
Optimiser n'est pas frauder ! C'est utiliser intelligemment les dispositifs légaux pour réduire votre facture fiscale. Plusieurs stratégies s'offrent à vous.
Abattement pour durée de détention
Nous l'avons vu : conserver ses titres longtemps peut significativement réduire l'imposition. Si vous envisagez une cession, la temporalité est importante.
Parfois, retarder la vente de quelques mois peut faire franchir un seuil d'abattement et économiser des dizaines de milliers d'euros. Le jeu en vaut la chandelle !
L'apport-cession et ses avantages
L'apport-cession est LA stratégie privilégiée des entrepreneurs avisés. Le principe ? Apporter vos titres à une holding que vous contrôlez avant de les céder.
Avantages :
- Report d'imposition de la plus-value,
- Réinvestissement possible de l'intégralité du produit de cession,
- Création d'un véhicule d'investissement familial.
Le mécanisme permet de ne pas payer immédiatement l'impôt sur la plus-value, offrant une importante marge de manœuvre financière. Cependant, la holding doit conserver une activité opérationnelle pendant au moins 12 mois.
Les exonérations spécifiques (petites entreprises, intra-familiale)
Certaines situations spécifiques ouvrent droit à des exonérations complètes :
1. Transmission familiale : abattement de 300 000€ sur la donation d'une entreprise à un descendant ou ascendant (sous conditions),
2. Départ à la retraite : exonération totale pour les PME (sous conditions),
3. Transmission aux salariés : régimes favorables pour encourager la reprise par les employés.
Ces dispositifs se combinent parfois entre eux pour une optimisation maximale. Un conseil personnalisé est souvent nécessaire pour identifier la meilleure stratégie selon votre situation personnelle.
ainsi, la fiscalité d’une vente d’entreprise est complexe, mais les bons choix peuvent faire économiser des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros. Abattements, exonérations, donation avant cession, Pacte Dutreil… les leviers ne manquent pas — à condition de les anticiper.
Ne sous-estimez jamais l’importance d’une planification fiscale sur mesure, adaptée à votre profil, votre structure et vos objectifs. Vous avez bâti votre entreprise avec rigueur : sa transmission mérite la même exigence.
Les informations présentées dans cet article ont un but strictement informatif et pédagogique. Elles ne constituent ni un conseil financier, ni une recommandation personnalisée. Avant toute décision d’investissement, nous vous recommandons de consulter un professionnel agréé (conseiller en gestion de patrimoine, expert-comptable, etc.) afin d’évaluer les solutions les plus adaptées à votre situation personnelle, fiscale et patrimoniale.
Les investissements comportent des risques de perte en capital. Ne placez jamais plus que ce que vous êtes prêt à perdre.